Méthodologie

1 Modèle numérique et méthode de réduction d'échelle pour une période de simulation prolongée

Pour ce projet, des simulations à méso-échelle ont été effectuées à l'aide de la configuration à aire limitée du modèle atmosphérique Global Environnemental Multiéchelle (GEM) (ci-après GEM-LAM). De façon générale, le modèle GEM fonctionne en commençant par résoudre un ensemble d'équations dynamiques directement sur la grille du modèle. Les processus physiques comme le rayonnement atmosphérique, les flux de différentes composantes de la surface terrestre, le mélange turbulent dans la couche limite, ainsi que les nuages et les précipitations, ne sont pas directement résolus à l'échelle de la grille. Ces processus de sous-échelle sont pris en compte dans le modèle en ajoutant aux solutions des équations dynamiques les tendances paramétrées associées aux processus physiques correspondants.

Avec le temps, les caractéristiques atmosphériques à grande échelle des champs météorologiques simulés avec des modèles à aire limitée sont susceptibles d'afficher des écarts par rapport aux champs pilotes généralement à résolution moins fine, particulièrement pour les grands domaines spatiaux à l'échelle continentale. Un défi scientifique majeur de ce projet a donc été de déterminer la stratégie appropriée pour régler le problème des écarts à grande échelle dans les simulations pluriannuelles.

Pour réduire au minimum l'incidence des écarts à grande échelle associés à un vaste domaine spatial au cours de simulations de grande portée, on peut séparer le problème en de multiples périodes de temps suffisamment courtes. Avec cette approche, l'établissement de séries temporelles continues de n'importe quelle variable météorologique subira de brusques changements causés par le mélange temporel. De plus, l'intégration individuelle plus courte exige du temps pour atteindre un état d'équilibre des nuages qui ne sont pas présents dans les fichiers d'analyses régionales du Service météorologique du Canada (SMC). La mise à l'équilibre augmenterait par conséquent les coûts de calcul du projet.

Diviser le problème en simulations à méso-échelle multiples sur des domaines de plus petite taille qui seraient exécutées pendant de longues périodes de temps (de quelques semaines à plusieurs mois) suivies d'un mélange spatial des résultats finaux, aboutit par contre à des anomalies spatiales dans les champs météorologiques, particulièrement le long des limites latérales des domaines de plus petite taille. De plus, la littérature existante indique que les domaines de simulation imbriqués ne peuvent pas être arbitrairement de petite taille en vue de permettre le développement approprié de petites échelles.

Si l'on se fonde sur les conséquences indésirables mentionnées précédemment associées au mélange temporel et spatial, une intégration temporelle continue sur le domaine spatial tout entier semble être l'approche la plus appropriée pour ce projet, à condition que l'on mette en place un mécanisme en vue de limiter les écarts à grande échelle dans les champs simulés. Il est possible de maîtriser les écarts atmosphériques à grande échelle par le pilotage spectral des extrants du modèle vers les champs pilotes. Le pilotage spectral des grandes échelles atmosphériques, tel qu'il a été mis en place dans ce projet, parait contrôler efficacement tout écart indésirable sans trop de suppression des petites échelles. Les recherches effectuées au cours du présent projet ont montré que la simple interpolation temporelle en vue d'obtenir des champs de référence entre deux heures d'analyse peut se traduire par des carences de variance à méso-échelle dans les champs simulés pilotés spectralement. Deux stratégies différentes ont été proposées et examinées au cours de ce projet afin de régler ces carences de variance. Une solution est de recourir à un coefficient de pilotage variable dans le temps qui met le maximum de poids sur les champs d'analyses uniquement lorsque le temps de simulation est très voisin du temps où les champs d'analyses valides sont disponibles. L'autre approche, qui s'est avérée plus efficace, est de produire des estimations horaires des analyses en calculant des prévisions de 6 heures initialisées avec les analyses et en présumant une croissance linéaire d'erreur de prévision au cours des 6 premières heures de simulation modélisée. Nous avons pu constater que cette dernière approche élimine bien tout problème de variance associé aux champs d'analyses interpolés temporellement. De plus, différentes approches de pilotage spectral ont été explorées afin de déterminer la stratégie de pilotage optimale, notamment les échelles de longueur de pilotage appropriées ainsi que les profils verticaux et les relaxations temporelles pour le pilotage. L'analyse menée au cours du présent projet a montré que l'humidité spécifique est bien contrainte dans les simulations de grande portée lorsque seules la température et la vitesse du vent sont contrôlées par le pilotage. Conséquemment, pour ce projet, seuls les champs simulés de température et de vitesse horizontale du vent ont fait l'objet d'un pilotage spectral. Pour plus de détails sur l'approche de pilotage spectral élaborée pour le présent projet, on peut se référer à Husain et al., 2014.

Même si le contrôle de l'évolution des grandes échelles atmosphériques améliore généralement les extrants des simulations à méso-échelle haute résolution à l'intérieur de la couche de surface, les champs de surface qui évoluent de manière pronostique peuvent toutefois s'écarter de leurs valeurs attendues et entraîner des inexactitudes notables dans la météorologie prévue de la couche de surface. Une stratégie de forçage basée sur le pilotage de la grille des différents champs de surface — notamment la température de surface, l'humidité du sol et les conditions de neige — vers leurs valeurs attendues obtenues à partir d'un schéma de surface autonome haute résolution, a donc été élaborée afin de limiter tout écart trop important. Le schéma de surface autonome utilisé pour la réduction d'échelle des champs de surface (température, humidité du sol, épaisseur et densité de la neige) est connu sous le nom de Système de prévisions de surface (SPS) qui est basé sur le schéma de surface terrestre ISBA (Interactions entre Sol, Biosphère et Atmosphère). Le déploiement standard du SPS a été considérablement modifié au cours de ce projet afin d'inclure un mélange pondéré des champs pilotes de prévisions pour éliminer les changements brusques durant le passage d'un champ de prévisions à l'autre. De plus, un schéma de relaxation à grande échelle pour l'évolution du champ d'humidité du sol vers sa contrepartie d'analyse régionale a été mis en place afin de limiter les écarts intermittents à grande échelle. Pour plus de détails sur la composante surface terrestre du présent projet, se référer à Separovic et al., 2014.

2 Stratégie de simulation

La simulation de base a suivi une stratégie en deux temps. Premièrement, les champs d'analyse régionale du SMC, disponibles aux 6 heures (0000, 0600, 1200 et 1800 UTC - temps universel coordonné), ont servi à initialiser et à exécuter une simulation GEM-LAM avec une résolution spatiale horizontale de 15 km sur la totalité du domaine de simulation pour toute la période (2008-2010). La simulation GEM-LAM à 15 km (ci-après LAM-15) incluait un pilotage à grande échelle de la vitesse horizontale du vent et de la température vers les champs d'analyse régionale opérationnels. Les champs de surface pertinents dans la simulation LAM-15 ont également été pilotés vers les champs de référence générés par le SPS. Le but de la simulation LAM-15 était de produire des champs météorologiques tridimensionnels avec des caractéristiques à grande échelle très proches de celles qui sont intégrées dans les champs d'analyse du pilote, mais plus fréquemment disponibles (toutes les 20 min), afin de forcer la 2e phase de simulation GEM-LAM à 2 km (ci-après LAM-2). La simulation LAM-2 impliquait également un pilotage atmosphérique et de surface vers les champs de référence appropriés afin de produire les extrants finaux recherchés.

3 Vérification de la stratégie

Les extrants des simulations LAM-15 et LAM-2 ont fait l'objet d'analyses approfondies afin de vérifier la validité de la stratégie élaborée au cours du présent projet. La description des vérifications effectuées durant ce projet est détaillée ci-dessous :

  1. Les similitudes entre les grandes échelles des champs pilotes et des champs simulés ont été comparées afin de déterminer l'incidence des différentes configurations de pilotage atmosphérique et afin de cerner la stratégie de pilotage la plus appropriée. Les similitudes des grandes échelles ont été comparées pour les simulations LAM-15 et LAM-2 qui ont été forcées avec les extrants de l'analyse opérationnelle régionale et ceux du LAM-15, respectivement.
  2. Les ratios de variance spectrale entre les champs pilotes et les champs d'analyse pour les différentes échelles de longueur et à différents niveaux verticaux ont été comparés afin d'étudier l'impact des différentes configurations de pilotage. Ceci a permis de déterminer les échelles de longueur de pilotage appropriées. Le ratio de variance spectrale a été analysé pour les extrants de simulation LAM-15 comme pour ceux de LAM-2. Cela a également été utile pour déterminer l'impact du pilotage de la surface.
  3. Les champs simulés sont comparés au niveau de la surface (température et point de rosée à 2 mètres au-dessus du sol, et vitesse du vent à 10 mètres au-dessus du sol) à ceux obtenus des stations au sol réparties dans tout le Canada. En plus du domaine entier, les scores statistiques à la surface (biais, erreur moyenne quadratique, erreur standard) ont été comparés séparément par régions individuelles. Les résultats montrent que les simulations LAM-15 comme LAM-2, couplées à un pilotage atmosphérique et de surface, se sont traduites par une température améliorée au niveau de la surface, comparativement aux prévisions opérationnelles régionales. Ils montrent également que les scores de vitesse du vent étaient équivalents. Au-dessus de terrains complexes, p. ex. la Colombie-Britannique, les simulations LAM-2 ont donné des scores améliorés en matière de vitesse du vent.
  4. Les champs simulés ont également été comparés aux données limitées d'éoliennes qui étaient disponibles. Pour ce nombre restreint de stations, les champs simulés ont affiché des scores statistiques améliorés comparativement aux prévisions opérationnelles. De plus, les résultats de la simulation LAM-2 optimale ont clairement dépassé en qualité la simulation LAM-15 la mieux configurée.

4 Conclusion

Une stratégie de réduction d'échelle dynamique fondée sur des simulations haute résolution à méso-échelle sur un domaine spatial étendu à l'échelle continentale et une période de temps prolongée a été élaborée au cours de ce projet. Une intégration temporelle continue à l'échelle du domaine entier – plutôt que des intégrations de longue durée sur des domaines spatiaux moins étendus ou de multiples simulations de durée plus brève sur des domaines plus grands suivies d'un mélange spatiotemporel – s'est avérée l'approche la plus appropriée pour atteindre les objectifs de réduction d'échelle haute résolution du projet. Le schéma élaboré a été employé durant le projet afin de générer des séries temporelles pluriannuelles de variables météorologiques destinées à l'Association canadienne de l'énergie éolienne (CanWEA) à titre de contribution à la plus vaste étude PCWIS (Étude pancanadienne sur l'intégration de l'éolien).

Afin d'améliorer l'impact du pilotage spectral, deux nouvelles méthodes ont été mises au point qui réduisent ou éliminent les problèmes de variance dans les champs simulés, soit le concept de pilotage incrémentiel variable dans le temps et la méthode de calcul d'estimations fréquentes. Des études poussées de sensibilité ont été menées afin de déterminer la configuration de pilotage optimale quant à la forme de pilotage du profil vertical, aux échelles de longueur de pilotage et au type de relaxation temporelle.

Il a été constaté que le pilotage spectral à grande échelle de la vitesse horizontale du vent et de la température contrôlait adéquatement les écarts à grande échelle de l'humidité spécifique. Afin de surmonter de potentiels écarts intermittents, les champs de surface ont fait l'objet d'un pilotage vers un ensemble fiable de données obtenu à partir du modèle de surface externe SPS modifié. Les résultats indiquent que, comparativement aux champs d'analyse régionale à faible résolution, les champs SPS utilisés comme références pour le pilotage de surface se traduisent clairement par des scores de surface améliorés pour la température de l'air comme pour la température au point de rosée. Par contre, il apparaît que le pilotage des champs de surface avait un effet neutre sur la vitesse du vent à la surface. L'augmentation de la force du pilotage à la surface s'est traduite par des améliorations encore plus marquées des scores à la surface.

Les champs météorologiques obtenus dans les simulations LAM-2 haute résolution selon la stratégie de pilotage adoptée dans le présent projet sont en mesure de maintenir une similitude à grande échelle avec les champs du pilote LAM-15, tout en ajoutant une variance spatiale sensiblement accrue à des échelles moins grandes (moins de 200 km). Pour ce qui est des scores à la surface, nous avons constaté de façon générale que les simulations LAM-2 étaient équivalentes, comparativement aux simulations LAM-15 sur le domaine entier, même si au-dessus de la Colombie-Britannique et du Nord – où la variance spatiale provoquée par l'orographie influe davantage – les simulations LAM-2 ont paru améliorer la température et la vitesse du vent à la surface. On a également évalué le rendement de différentes configurations de pilotage atmosphérique pour les deux types de simulations LAM-15 et LAM-2 par rapport à des données sur le vent et la température à 80 m obtenues de trois parcs éoliens distincts. Pour l'ensemble des trois stations, la simulation LAM-2 dans sa configuration de pilotage optimale a offert une meilleure exactitude statistique, quant à la vitesse du vent et à la température, que la simulation LAM-15.

En raison d'un certain nombre de facteurs, y compris l'advection semi-lagrangienne, la diffusion horizontale et le filtre orographique, la véritable résolution du modèle est d'environ 7 à 10 fois l'espacement du maillage horizontal du modèle tel que présenté. Ceci implique une résolution réelle d'environ 14 à 20 km pour les variables des séries temporelles. Le filtre orographique peut affecter des échelles aussi grandes que 40 km sur un terrain complexe. Globalement, l'effet combiné de ces facteurs peut conduire à une erreur accrue pour le vent dans les séries temporelles dans le voisinage de terrains complexes. De plus, en raison de possibilités limitées d'évaluations au printemps et à l'automne, il est difficile de déterminer la précision globale des résultats des séries temporelles pour ces périodes. Les utilisateurs sont invités à être conscients de ces limites potentielles lors de l'utilisation des données de série temporelles.

5 Références

Husain, S.Z., Separovic, L., Yu, W., et Fernig, D. (2014): « Extended-range high-resolution dynamical downscaling over a continental-scale spatial domain with atmospheric and surface nudging », Journal of Geophysical Research – Atmospheres, 119(24), p. 13720-13750.

Separovic, L., Husain, S.Z., Yu, W., et Fernig, D. (2014): « High-resolution surface analysis for extended-range downscaling with limited-area atmospheric models », Journal of Geophysical Research – Atmospheres, 119(24), p. 13651-13682.

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